La bombe de la circulation des véhicules à Paris n’a pas encore fini de nous offrir ses retombées qu’un autre sujet insuffle un vent de panique chez les propriétaires de véhicules anciens, le contrôle technique va changer !
Certains de nos collègues ont déjà présenté le sujet, ce qui n’a pas manqué de déchaîner les passions, bien souvent, sans aucun fondement. Vous commencez à me connaître, je déteste ces grandes diatribes dignes du « complot judéo-maçonnique », si cher à Laurent Gerra dans ses imitations de Jean-Marie Le Pen. Mais comme je suis un gueulard qui essaie d’être juste, je suis allé chercher les sources législatives brutes, sans interprétation, rébarbatives comme il se doit pour vous retranscrire, ce qu’il en est, à ce jour.
Ce que l’on sait aujourd’hui sur la législation du contrôle technique
Pour remettre les choses dans leur contexte, cette loi sera effectivement française (quand elle sera votée), mais elle découle de la directive 2014/45/UE du Parlement Européen et du Conseil, qui vise à harmoniser le contrôle technique au niveau de l’Union Européenne. Bref, pour le coup, le gouvernement est certes responsable, mais pas coupable, pour reprendre la formule consacrée.
Ce décret s’insère dans une démarche visant à atteindre le « zéro décès » sur les routes de l’UE à l’horizon 2050, ce qui est objectivement louable. Cette réforme du contrôle technique s’inscrit d’ailleurs dans un plan axé sur « sept objectifs stratégiques » visant à faire diminuer de moitié le nombre de tués sur les routes à l’horizon 2020. Et il faut reconnaître que la formule choisie par nos représentants est percutante :
« Les véhicules dont les systèmes techniques fonctionnent mal ont un impact sur la sécurité routière et peuvent contribuer à causer des accidents de la route entraînant des blessures ou des décès. Cet impact pourrait être réduit par la mise en place d’améliorations adéquates du dispositif de contrôle technique. Le fait de révéler de façon précoce une défaillance d’un véhicule contribuerait à remédier à cette défaillance et, par conséquent, à éviter un accident. »
Sur le fond, je pense qu’il n’y a clairement rien à ajouter, et cela vise autant les véhicules anciens que les véhicules modernes, du coup, l’incitation à la vente de véhicules neufs, je la cherche. Ou alors, c’est simplement que si tout le monde est logé à la même enseigne, les véhicules anciens sont pénalisés, par nature. Il n’en est rien :
« Les véhicules présentant un intérêt historique sont réputés préserver le patrimoine de l’époque à laquelle ils ont été construits et être rarement utilisés sur la voie publique. Il convient dès lors de permettre aux États membres de déterminer la périodicité du contrôle technique pour ces véhicules. »
Ce qui est appelé à changer pour le contrôle technique
En revanche, les points de contrôle ne sont plus binaires (soumis à contre-visite, et non soumis à contre-visite), mais étagés suivant trois niveaux d’impact : mineur (non soumis à contre-visite), majeur (soumis à contre-visite) et critique « constituant un danger direct et immédiat pour la sécurité routière ou ayant une incidence sur l’environnement, justifiant qu’un État membre ou ses autorités compétentes puisse interdire l’utilisation du véhicule sur la voie publique. »
Déjà, contrairement à ce qui a été dit, rien n’est défini à ce jour quant à l’immobilisation des véhicules en cas de défaut critique constaté, vous n’allez pas repartir à pied. Du calme donc, rien n’est encore défini au niveau national, surtout pour nous, amateurs d’anciennes. En effet, selon un échange avec Alain Guillaume, président de la FFVE, le Ministère des transports serait favorable à un allègement du contrôle technique pour les véhicules en carte grise collection, et ne remet pas en cause la périodicité de 5 ans. Il serait même envisagé de supprimer purement et simplement le contrôle technique pour les véhicules mis en circulation avant le 1er janvier 1960 (Benjamin en avait déjà parlé l’année dernière), même si, à titre personnel, j’ai peur que ce soit la porte ouvertes à toutes les dérives sur ces véhicules (qui j’en conviens roulent peu, mais empruntent les mêmes routes que les autres).
D’autre part, ces points de contrôle n’ont pas d’effet rétroactif, on ne vous demandera pas d’installer un rétroviseur droit, un troisième feu stop, un feu de recul ou encore un caoutchouc sur votre pédale de frein si votre voiture n’en était pas équipée à l’origine ! La voiture se doit d’être conforme par rapport à sa date de mise en circulation, pas aux normes du jour du contrôle.
Au final, les véhicules potentiellement impactés sont donc les anciennes sans CGC, et les Youngtimers, trop jeunes pour y avoir accès. Prenons le temps de réfléchir posément sans se braquer, sur les points ajoutés/modifiés, afin de voir si c’est une décision « liberticide », ou juste faire preuve d’un peu de bon sens.
Les points du contrôle technique modifiés
Commençons par les sujets qui vont devenir soumis à contre-visite :
- Fuite de freins : franchement, vous rouleriez avec vos freins qui fuient ?
- Fuite de boîte : les joints de sortie de boîte, car bien souvent ce sont eux les coupables, ça se change, ça coûte pas super cher (si vous le faites vous-mêmes entendons-nous bien) et ça allonge la durée de vie de la boîte, donc plutôt tout bénéfice si vous songez à garder votre belle longtemps
- Fuite moteur : comme sur la boîte les joints de carter, ça coûte rien, ça se change facilement et ça préserve le moteur car qui dit fuite, dit perte de pression, donc pareil tout bénef !
- Refroidissement : les durits, là en effet, ça coûte un peu plus cher, mais les trois quarts du temps s’il y a fuite, c’est plus une question de resserrage, ou de mauvais montage, et toujours pareil, c’est mieux pour votre moteur
- Pas de caoutchouc sur la pédale de frein : soyons honnêtes, ça surprend, mais une pédale métallique, lorsqu’elle est gainée de caoutchouc est lisse, essayez de freiner avec des semelles humides, la pédale ne restera pas forcément sous votre semelle surtout dans le cas des escarpins de madame ou des souliers de monsieur (n’oublions pas que cela concerne aussi monsieur et madame tout le monde, et qu’il peut pleuvoir quand nous sommes sur notre trente-et-un)
- Course du frein à main : Je ne vois pas vraiment l’intérêt de me déboîter l’épaule, juste pour que mon frein à main soit serré, donc rien à ajouter, sauf peut-être pour les possesseurs de boites auto à convertisseur de couple, qui offrent un verrouillage de pont, sur ce point je reconnais qu’on est à deux doigts de l’aberration, mais vu qu’en-dessous d’un degré de fonctionnement, il fallait déjà repasser par la contre-visite, et que l’un va rarement sans l’autre….
- Feu de recul inopérant : franchement, un mec qui recule sans feux allumés, c’est quand même un tantinet dangereux non ?
- Mauvaise fixation du câblage électrique : un faisceau qui se balade, c’est un faisceau qui est appelé à se retrouver dénudé/brûlé/cassé, dois-je vous faire un dessin ?
- Bruit excessif : il s’agit surtout des modifications (suppression d’un silencieux, silencieux modifiés) cependant, il n’y a pas de tolérances clairement explicitées pour le moment.
- Corrosion sur le sous-bassement : il s’agit de corrosion importante au niveau des points d’ancrage sur les carrosseries autoporteuses, clairement, même si on est très consciencieux sur l’entretien de sa voiture, ce n’est clairement pas un des points qu’on vérifie le plus souvent, car nous n’avons pas tous une fosse ou un pont pour aller regarder ce qui se passe dessous.
- Défauts remontés par l’OBD : là ce ne sont que les modernes qui sont concernées, mais n’oublions pas que d’ici quelques années, elles seront aussi éligibles collection.
Maintenant, enchaînons sur le sujet qui fâche, et surtout qui fait peur, les défauts critiques, qui pourraient (et je tiens au conditionnel, car aucune loi ou projet de loi n’est apparu(e) en ce sens) amener à une immobilisation du véhicule :
- Présence de vapeurs et/ou de fumées toxiques dans l’habitacle
- Corrosion perforante dans le châssis, les points d’ancrage de suspension ou le plancher
- Au niveau du freinage, les défauts critiques le sont réellement : non fonctionnement, maitre-cylindre vide ou non fixé, système fuyard ou au bord de la rupture, câble de frein à main détérioré, plaquettes/garnitures de frein absentes ou usées au-delà de leur limite, disques ou tambours rayés/fissurés/mal fixés/cassés, course des pistons trop faible pour assurer un bon fonctionnement, roue ne freinant pas, ou encore plus de 50% de déséquilibre de puissance sur le train directeur.
- Pour la direction : mauvaise fixation du boîtier/de la crémaillère, déformation d’un élément affectant la direction, boulons mal serrés, ou encore assistance défaillante impactant l’utilisation, mauvaise fixation du volant, jeu excessif dans la colonne de direction
- Essuie-glace : visibilité fortement entravée dans le champ de fonctionnement
- Feux stop : absence totale de fonctionnement, défaut de commutation
- Faisceau électrique : risque d’incendie ou d’étincelles
- Essieux : stabilité perturbée par défaut de fixation, jeux excessifs, ruptures, au niveau de l’essieu, des fusées, des roulements, des moyeux
- Pneus : indice de charge inférieur aux spécifications, frottement du pneu sur la carrosserie, usure excessive (au-delà du témoin d’usure ou corde visible)
- Suspensions : jeu excessif des ressorts, ressort manquant, ressorts inopérants, éléments fissurés ou cassés, stabilité affectée par le jeu d’un élément, suspension pneumatique inutilisable.
- Châssis : longerons ou traverses fissurés, soudures rompues, corrosion mettant en péril la rigidité de la structure
- Echappement : fuites mettant en danger la santé des passagers
- Réservoir : mauvaise fixation du réservoir ou des conduites d’essence pouvant générer un début d’incendie, système GPL/GNC/GNL non conforme
- Pare-chocs, risque de décrochage
- Roue de secours : risque de chute, dans le cas de paniers externes
- Moteur : fixations desserrées ou fissurées, modifications mettant en danger le fonctionnement et/ou l’environnement
- Carrosserie, pièces présentant un risque de chute, distance insuffisante par rapport aux pièces en mouvement ou par rapport à la route, mauvaise fixation sur le châssis, portière risquant de s’ouvrir en circulation, sièges défectueux ou mal fixés, nombre de places dépassant la valeur autorisée
- Autres matériels : ceintures de sécurité mal fixées, verrouillage ou blocage inopiné des serrures
- Risque de chute des équipements de surpression de bruit
- Pertes de liquides majeures (formation de gouttelettes)
Avant de crier à la catastrophe, sur ces points, il faut être honnêtes un instant, Je connais peu de conducteurs qui oseraient prendre la route avec ne serait-ce qu’un seul de ces défauts ! On les retrouve globalement dans deux cas : soit l’achat d’un véhicule à restaurer lourdement, auquel cas les points critiques seront traités lors de la restauration, soit il s’agit de véhicules que beaucoup d’entre nous n’hésitent pas à appeler « poubelles », et nous sommes tous d’accord pour dire qu’il est dangereux de les croiser sur la route !
Ce contrôle technique sonne-t-il la fin des véhicules anciens sur les routes ?
Pour résumer un peu tous ces éléments, le système devient effectivement moins permissif qu’auparavant, mais la circulation quotidienne est bien moins permissive qu’elle ne l’était elle aussi, en dehors de toute considération policière. Il y a de plus en plus de voitures sur nos routes, y compris anciennes. Là où on finissait simplement dans le fossé il y a une trentaine d’années, on finit bien souvent par générer un petit carambolage, car nous roulons toujours plus près les uns des autres. Très sincèrement, j’y vois plus de points positifs que négatifs car les nouveaux points soumis à contre-visite ne sont pas nombreux et axés prévention. Certes on vous demande de corriger un point qui passait auparavant, mais son impact sur l’intégrité de la voiture est encore bénin, ce qui permet de le traiter avant qu’il ne soit trop tard. Quant aux points critiques, le terme est très bien choisi, il s’agit de sujets demandant une intervention urgente, car tout le monde est potentiellement en danger. Dernier rappel qui a son importance, il n’est fait mention nulle part qu’en cas de défaut critique le contrôleur est en droit d’immobiliser votre véhicule administrativement, contrairement à ce qu’on a pu lire. Et n’oubliez pas, pour le moment, rien n’est acté du point de vue légal.
L’impact sur l’automobile ancienne se fera peut-être sentir, il est impossible de le quantifier réellement aujourd’hui, mais s’il est appelé à impacter la circulation des autos anciennes, c’est peut-être parce que les belles voitures de loin sont loin de l’être en réalité…
Au risque de m’attirer quelques détracteurs véhéments, j’irai même jusqu’à dire que cela permettra peut-être d’assainir le parc des véhicules « bricolés » sans aucune connaissance ni maîtrise du sujet, que l’on voit pulluler sur les sites d’annonces à des prix proches des modèles « état concours » d’il y a quelques années, amenant de la même occasion à un ralentissement sur la hausse des prix, (oui je suis utopiste) ou à tout le moins, à une réelle démarcation entre les modèles en parfait état et les modèles vétustes.
Mise à Jour en Mars 2018 :
Il y a quelques temps on apprenait que les « véhicules de collection » d’avant 1960 verrait leur Contrôle Technique tout simplement supprimé, en plus des mesures décrites ci-dessus. Étrange, quand on sait que la FFVE a toujours milité contre et qu’en dehors des propriétaires d’utilitaires ou de camions, la mesure n’était pas très soutenue !
Là où ça se gâte, c’est qu’on ne sait pas de quelles autos on parle ! Voici ce qu’il ressort de la discussion avec un propriétaire de CT :
C’est un texte mal fait ! On ne sait pas du tout ce qu’il contient, à l’heure actuelle en tout cas. Le véhicule de collection c’est une notion vague et aucune précision n’est apportée. Est-ce que toute auto d’avant 1960 est concernée ? Est-ce que la mention collection sur la carte grise est obligatoire ? Est-ce qu’avoir la mention collection sur son assurance suffit ?
On en sait rien et on espère que ça va bouger dans les prochains mois… Avant que ça se mette en place en tout cas…
Du côté des modifications prévues pour 2018, il ajoute :
C’est difficile de savoir où on va. On a des sources contradictoires. Et puis trop de véhicules seraient concernés par des refus. On attend là aussi, c’est pas évident !