Des Yellow et des dépanneuses.
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United colors of Breizh Ball : Porsche 912 eXperience
Vous faites peut être partie des gens qui comme moi croient au destin. Il faut bien reconnaitre que c’est une façon commode d’expliquer une série d’évènements a priori improbables, qui se produisent de façon tout à fait naturelle. Comment expliquer autrement que deux voitures parfaitement identiques sur une ligne d’assemblage terminent avec des histoires aussi différentes ? Je trouve toujours cela fascinant. La Porsche 912 type 901 est a ce titre un excellent exemple, elle qui est passée par tous les stades, pour devenir sur le tard un objet de désir qu’elle n’avait jamais été. Jadis la risée de certains Porschistes qui ne voyaient en elle qu’un sous-produit amputé de 2 cylindres, elle s’est faite aujourd’hui une place au soleil, surfant simultanément sur la mode des autos anciennes et sur la vague spéculative du n’importe quoi refroidi par air avec un badge Porsche dessus. De ce fait, des autos issues de la même chaine des ateliers Karmann ont eu des destinées très diverses, entre celles qui ne valaient pratiquement rien qui ont été délaissées dans des casses ou en train de rôtir sous le soleil de Californie, et celles qui maintenant atteignent des valeurs insensées et que l’on commence à restaurer comme des 911. C’est une auto qui a mis du temps, mais qui a su trouver sa place.
De la même façon, quand je repense à mon parcours automobile, j’aime à penser que je suis à l’instar de la 912passé par plusieurs stades avant de trouver ma place. Sans doute le monothéisme automobile qui régnait dans ma famille autour d’une marque Française m’a-t-il poussé à butiner d’une marque à l’autre pour ne pas m’enfermer dans un sillon, pour profiter de tant d’expériences qu’offre l’Automobile avec un grand A. Si vous vous reconnaissez dans ce courant de pensée, vous êtes ce que j’appelle un Epicurien Automobile. Et le moins que l’on puisse dire c’est que cette philosophie a le mérite de provoquer des rencontres qui permettent grandement de s’ouvrir l’esprit, ce qui manque pas mal par les temps qui courent…
C’est donc au long de ce parcours épicurien que mon destin a croisé il y a une quinzaine d’années celui de Philippe, très porté sur les Lotus dont j’ai fait la connaissance via la Mazda MX-5, et il y a un peu plus de 5 ans celui de Philippe, Porschiste invétéré avec qui j’ai trouvé beaucoup d’atomes crochus grâce à l’Opel Speedster. Je ne vais pas vous raconter toute ma vie car ce n’est pas l’objet d’Automotiv Press, mais parler du Breizh Ball sans vous donner ce préambule ne me paraissait pas rendre justice à l’Histoire.
Tout est donc parti d’un coup de tête, lorsque j’ai acheté cette Porsche 912 de 1967, alors que j’étais à la recherche active d’une 997 Carrera S cabriolet. Sans doute guidé par le désir de revanche après avoir raté une 911S de 1968 il y a quelques années, à l’époque ou ces autos étaient encore achetables, j’ai eu un coup de cœur pour cette petite « Bahama Yellow » qui était cachée dans la pénombre d’un box dans le sous-sol d’une maison de retraite quelque part en Bretagne. Je ne sais pas ce qui m’a pris. La personnalité de cette 912 a balayé d’un coup de charisme une grande partie des chevaux et des cylindres qui lui manquent par rapport à mon objectif initial, et sa bouille et sa couleur m’ont totalement conquis. Quelle gueule ! La voiture à voyager dans le temps c’est elle, pas la DeLorean ! Je ferai peut être un essai plus détaillé dans le futur (!), mais la conduite, le bruit, l’ambiance sont complètement à l’opposé des voitures sans saveur qui s’agglutinent dans les concessions aujourd’hui.
Bref, après avoir conclu cette affaire, il a fallu organiser le rapatriement de cette 912 vers sa nouvelle maison. Le temps étant une denrée de plus en plus rare, l’idée est venue de profiter de cette occasion pour faire un road-trip, dans le but de faire connaissance avec la nouvelle locataire de mon garage, et accessoirement de remettre en route la machine à souvenirs avec quelques bons copains : le Breizh Ball était né. La vie, le travail et les obligations familiales espacent un peu trop ce genre d’occasion à mon gout ces derniers temps. Le destin faisant bien les choses, les étoiles se sont plutôt bien alignées : malgré un road-trip programmé en semaine, Philippe a sauté sur l’occasion pour faire rouler son Elise, et l’autre Philippe à l’époque sans voiture a trouvé une excuse pour se faire prêter le Speedster de Thomas aux couleurs de sa boisson préférée…
Le plan était simple : Filer le mardi midi par l’autoroute pour rejoindre la terre de Brocéliande, des Dolmens et de mes beaux-parents, pour récupérer l’auto et rentrer le lendemain par le chemin des écoliers le long de la Loire et profiter de ma nouvelle acquisition pour gouter au charme des périples d’antan, entouré de mes copains en voiture de sport. Imparable. Ça ne pouvait que bien se passer ! C’est du moins c’est ce dont j’étais convaincu à ce stade de l’histoire…
Arrive le grand jour du départ. On a beau être parti plusieurs fois chercher plein d’autos loin de là où on habite, ce moment reste pour moi toujours spécial. On se sent l’âme d’un aventurier, comme ceux qui sur YouTube traversent la planète au volant de leur auto pleine de poussière méritée sur des pistes à l’autre bout du monde, alors qu’en réalité on ne va qu’en Bretagne chercher une voiture d’occasion. Peu importe. On a l’âme d’un gamin qui part au magasin chercher son nouveau jouet qu’il a tant regardé sur un catalogue des semaines durant avant de se coucher. L’aller se passe comme prévu. L’autoroute de l’Ouest est déjà particulièrement monotone, mais le trajet, cumulé avec l’excitation d’arriver et le niveau de bruit le rendent interminable : quiconque ayant déjà voyagé de longues distances en Elise ou en Speedster a pu se rendre compte à quel point ces autos ne sont en rien adaptées à ce type de parcours . Heureusement que l’on discute tantôt avec Philippe dans l’Elise, tantôt avec Philippe dans le Speed pour se remettre à jour, échanger quelques blagues et refaire le monde. Tiens, nous sommes arrivés ! Je vais faire mentir les mauvaises langues, mais nous avons récupéré la voiture en Bretagne sous un grand soleil, le bleu du ciel faisant à merveille ressortir la couleur de Vicky. Maintenant que c’est la mienne, je peux bien lui donner un petit nom ! Après une première pause photo pour préparer cet article, nous faisons escale chez mes beaux-parents pour une halte avant un long voyage retour. Alors que je la regarde le soir en la tartinant de Rain-X en prévision de la météo du lendemain, je me repasse le film des évènements qui m’ont fait acheter cette voiture si éloignée de ce que je cherchais et par quel miracle après l’avoir achetée je suis encore convaincu que c’était la bonne chose à faire.
Bon allez finies les bêtises, aujourd’hui c’est le grand jour ! Petit déjeuner vite avalé, c’est l’heure de partir. Je me félicite d’avoir abondement frictionné Victoria avec du Rain X car le temps a changé du tout au tout pendant la nuit. Nous allons je pense courir après le ciel d’hier toute la journée sur notre chemin du retour sans jamais le voir. Je tourne la clef, la voiture démarre, très vite imitée par les autos des deux Philippe, et nous nous mettons en route en direction de la Loire. Premier constat qui me saute aux yeux, ou plutôt aux pieds, le chauffage dans les automobiles a fait des progrès pharaoniques au cours de ces 49 dernières années ! Car même en excluant le détail du dysfonctionnement de celui de Vicky, l’orientation des flux d’air, l’ergonomie et, employons le mot, le confort sont des concepts qui n’ont plus la même signification aujourd’hui qu’hier. C’est donc grâce à Philippe qui me fait l’aumône de sa polaire que je peux après à peine une heure retrouver une température corporelle me permettant de me concentrer correctement sur autre chose que mes jambes. Juste le temps de commencer à nous mettre en quête d’un bar pour nous « caféiner » et accessoirement pour moi, de réguler ma température corporelle.
Mon copain Philippe raffole des petits rades de campagne très très loin des inodores et insipides Starbucks, où on a toujours l’impression que le temps s’est arrêté, et où on redécouvre à chaque fois avec stupeur que la bière et le vin blanc sont encore beaucoup utilisés comme complément ou substitut au trop conventionnel café matinal. Nous avons donc « casté » un bar dans un village perdu où le propriétaire apparemment collectionneur de vieilles perruques, tenait un bar à la déco très personnelle et où la loi Evin n’avait pas encore été expliquée à tout le monde. Bref, l’endroit parfait pour une petite halte, quelques bonnes blagues et un rapport d’étonnement. Cette 912, elle fait tourner les têtes, mais mes copains préfèrent que je roule derrière eux car l’odeur d’essence leur donne la nausée. Ça tombe bien, je suis de très loin le moins performant du lot, je n’aurai l’impression de brider personne comme ça.
C’est reparti. On roule encore dans la campagne pour arriver finalement sur un affluent de la Loire et commence une partie très sympa de notre parcours ou nous allons remonter par des petites routes pittoresques le fleuve et traverser ville après village pendant une heure ou deux. Arrivés près d’un pont, nous décidons de faire une pause photo afin de profiter de la lumière et d’une fenêtre entre deux averses. Si j’étais prêt à vous faire l’article sur la fiabilité légendaire des produits de la firme de Stuttgart, je dois avouer que c’est à ce moment-là que j’ai dû commencer à chercher un nouvel angle pour mon article. En effet, au moment de redémarrer, le bruit paresseux du démarreur qui ralentit de plus en plus m’a soudain fait réaliser qu’un road-trip en ancienne est souvent riche en imprévus, et que par ailleurs nous étions finalement assez loin de la région Parisienne. Un coup de poussette plus tard, ce petit contretemps est vite oublié, et la voiture fonctionne de nouveau à merveille. Sans doute la batterie est-elle un peu fatiguée et à force d’avoir tiré sur les phares et les essuie-glace, l’alternateur (j’apprendrai plus tard que mon auto n’en possède pas, elle a une dynamo) n’a-t-il pas eu toute l’énergie nécessaire pour regonfler tout le monte à bloc. Allez, ce n’est qu’une anecdote pour me faire chambrer ce soir. Pas de quoi perdre du temps.
Nous continuons notre traversée et tout va pour le mieux. Les heures passent dans une bonne ambiance, la température est enfin acceptable et il ne pleut plus. Je suis toujours sous le charme de ma nouvelle acquisition, et ce road-trip coche véritablement toutes les cases. On passe du bon temps, on découvre des régions sympa, même si pour être tout à fait honnête nous sommes tous plus fans des cols de montagne que des départementales qui serpentent peu. Mais globalement, quel que soit l’endroit, c’est finalement la compagnie et l’ambiance qui font en grande partie l’expérience. Et puis cette route le long de la Loire va révéler de très jolies bâtisses surprises au détour de jolis virages. Notre convoi est sans doute très élégant à voir passer dans ce paysage.
Nous arrivons à la mi-journée à Saumur, et décidons de nous arrêter pour déjeuner. Après une balade rapide dans le centre-ville et un repas dans un petit resto, on repart. J’ai bien fait de me garer pour faciliter le départ en poussette, car comme je le redoutais, ma batterie ne s’est pas rechargée au cours de ces 2 dernières heures. Je décide donc de ne plus utiliser phares klaxon ou tout autre accessoire pour maximiser mes chances de retour, car l’allumage ne mange que très peu d’électricité. Nous nous perdons encore une fois ou deux, au cours de l’heure qui suit, et le temps qui passe nous rappelle que nous devons retourner à la vie normale à Paris avant la fin de la journée. Nous allons donc rejoindre l’autoroute A10, et faire le dernier quart de notre parcours par l’autoroute. Je suis finalement assez rassuré, car malgré les alertes de batterie, la voiture a quand même très bien fonctionné, et nous venons de faire quasiment 400kms sans aucun pépin grave. Pas mal pour une mamie encore inconnue la veille ! Un dernier plein, je m’engage sur l’autoroute, et c’est alors que l’intégralité du volume d’eau contenu dans le ciel se déverse sur nous. Nous ne le savons pas encore, mais ce sont les pluies torrentielles qui vont inonder toute la région et provoquer la fermeture de l’autoroute A10 dans les 2 sens d’ici quelques jours. Après avoir constaté les progrès faits en matière de chauffage, c’est désormais ceux faits en termes de sécurité active qui me sautent aux yeux. Plus la pluie redouble d’intensité, plus je ressens un sentiment de peur que je n’avais pas eu depuis très très longtemps. Le Rain X est un excellent produit, mais vue la quantité d’eau qui tombe, je vais devoir mettre les essuie-glace : on ne voit plus rien sur l’autoroute et mon seul repère est la paire de feux de position du bus devant moi. J’ai perdu en 1 minute le contact visuel avec Philippe, arrêté pour capoter son Elise, et Philippe, qui a disparu de mon champ de vision. C’est à l’instant précis où j’enclenche mes essuie glaces que mon allumage se coupe. Ça y est, la batterie est complètement à plat, évidemment au moment où on ne voit plus rien. Je me rabats immédiatement de façon énergique avant que je ne perde trop de vitesse et que je me fasse percuter. Je suis sans doute devenu totalement invisible.
Deux grands coups de klaxon d’automobilistes apeurés plus tard, me voilà vers Blois, immobilisé le long du rail sur la bande d’arrêt d’urgence, à 200kms de chez moi sous un pont, avec plus de batterie dans ma voiture, et quasiment plus dans mon téléphone sous une pluie battante avec les camions secouent ma voiture à chaque fois qu’ils passent. Comme disait un homme politique du siècle dernier, les emm…, ça vole en escadrille. C’est à ce point de l’aventure, lorsque l’intrigue est bien nouée, que l’on a besoin d’une bonne nouvelle. Philippe m’a vu en panne et s’est arrêté à la station-service qui était à peine 2kms plus loin pour voir comment m’aider. Philippe quant à lui s’est arrêté dans la même station quelques minutes plus tôt, tellement les conditions de roulage étaient difficiles pour des autos aussi légères. Entre SMS, télépathie et patience, nous avons contacté la société de dépannage qui est venue me chercher sans que j’aie besoin d’aller me faire laver sous une pluie glaciale et abondante, et c’est là que l’aventure est redevenue sympa.
Bonne surprise, le dépanneur est un habitué de ce type de voiture, car je constate qu’il ne réfléchit pas un instant à la façon de charger la voiture sur son plateau, malgré l’absence de crochet de remorquage. Chemin faisant, il m’explique qu’il a possédé plusieurs 911 anciennes et me recommande le garage Leger, apparemment réputé pour s’occuper de toutes les voitures anciennes ou exotiques de la région. Mais c’est bien sur un plateau que je laisse Vicky avec un petit goût d’inachevé.
La fin de cet épisode me permet toutefois de me rendre compte à quel point ce qui aurait pu être une sacrée galère est restée une aventure grâce au bon esprit des Philippe & Philippe que je tiens encore à remercier tout particulièrement, et surtout, ce genre d’aventure prouve que la passion n’a pas besoin de s’exprimer exclusivement par le biais de personnes qui font les mêmes choix automobiles. Un road-trip, c’est avant tout des aventures avec des personnes, quel qu’en soit le but, le parcours ou la monture. Pas besoin de traverser l’Islande, la Chine ou le Sahara, l’essentiel et de transformer le voyage en destination.
Vous voulez sans doute savoir ce qu’il est advenu de Vicky ? Pour elle l’aventure a encore continué quelques semaines. La panne a vite été détectée, c’est la dynamo qui était en cause, et mon vendeur avait par chance un autre modèle qu’il a renvoyé pour le faire réviser et monter dans le garage Leger. Une fois la voiture prête, il a fallu attendre la décrue, puisque je vous rappelle qu’à cette époque, aller de Paris à Blois était tout sauf une formalité. Une fois tout rentré dans l’ordre, le moment était venu pour moi de faire mon petit périple en solo, pour finir le Breizh Ballcomplètement et par la route. Départ de Paris Austerlitz pour Blois, Mr Leger me propose gentiment, malgré mon train en retard qui l’oblige à rester après la fermeture de son garage, de venir me chercher à la gare, et me demande avec quel type de voiture je préfère qu’il vienne me chercher. Je ne l’ai pas encore vu, mais je sais déjà qu’on est atteint du même virus lui et moi ! Je suis arrivé à Blois en dépanneuse le mois dernier, me revoilà en passager d’une sublime Alfa Romeo Bertone 1300 Junior dans un état rutilant. Rien que pour cela, j’ai bien fait de venir !!
Une fois arrivé dans son antre, impossible d’aller récupérer directement ma voiture comme dans un vulgaire centre auto. Il me propose de me faire le tour du garage, ce que j’accepte avec gourmandise, et découvre un vrai atelier d’épicurien, où la Mini côtoie la 205 GTI, la Coccinelle cabriolet, la Jaguar MKII, le Combi’ Volkswagen, la Ferrari 348, la MGA, le Defender, la 504 cab’, la 2cv et bien sûr ma 912… Il me raconte l’histoire de chaque voiture, la raison de sa visite et l’avancement des travaux. Il me parle de son métier, de sa passion. Bref, on est bien, on discute, tant et si bien qu’il se fait tard et qu’après avoir tant voulu récupérer ma voiture, voilà désormais que je n’ai plus vraiment envie de partir. On finit quand même par se quitter, et je me dis que c’est dommage que Blois soit aussi loin de Paris, parce que des gens comme ça, il y en a de moins en moins, et c’est bien dommage.
Pour conclure cette aventure, je m’offre un instant volé : le retour par des départementales désertes en cette douce fin de printemps avec un magnifique coucher de soleil où je repense à tout ce qui s’est passé en me disant que c’est quand même incroyable le destin…
DAY 161
PORSCHE 912 – 1966
Désignation : porsche 912
Prix : 39 500.00 €
Marque : porsche
Modèle : 912 chassis court 66
Année : 1966
Type : coupé
Couleur : bleue
Descriptif : californienne , excellent chassis coque planchers