Entretien #3 – Emmanuel – 36 ans – Juriste – 93100 – France – Porsche 912 – Champagne Yellow – 1967-la « GRECO »
Janvier sonne l’heure des bonnes résolutions. Résolution n°1 : Parler de 912. Résolution n°2 : Voir des 912. Résolution n°3 : Écrire des articles documentés sur la 912. Résolution n°4 : En faire plus souvent. Résolution n°5 : Appeler Emmanuel. Et c’est par un matin glacial que j’ai rendez-vous avec lui et sa 912 à Vincennes.
A quand remonte l’achat de cette Porsche 912 ? J’ai acheté la voiture en Août 2012.
Comment as tu découvert la voiture ? C’est très difficile de sauter le pas d’un tel achat quand c’est votre première ancienne et que vous n’avez personne pour vous conseiller. C’est un peu la roulette, alors il faut en apprendre le plus possible. J’ai longtemps cherché. Je voyais des autos en France qui étaient dans mon budget, mais avec de gros travaux ou des autos en meilleur état, mais beaucoup trop chères. J’ai de la famille en Grèce et je m’y rends régulièrement. C’est là-bas que j’ai trouvé cette 912. C’est un import américain, que j’ai acheté à un collectionneur. Il avait besoin de trésorerie pour mener à bien d’autres projets. C’est un modèle 67 millésime 68. Elle repose donc sur sur un châssis court, mais possède déjà l’habillage de l’année suivante avec les contreportes spécifiques disposant de vide poches durs, des compteurs à fonds noirs, une boite 4 vitesses (donc standard). Elle est chaussée de quatre jantes Fuschs. Je n’ai pas encore demandé la certification à Porsche, mais on peut présager que le moteur est d’origine. Sa couleur de sortie d’usine est Champagne Yellow, mais quand j’acquière la voiture elle est peinte en Signal Yellow. Elle est passée dans de nombreuses mains, dont j’ai la trace grâce au Cardex Canadien. J’ai ainsi pu retrouver un ancien propriétaire Canadien qui l’avait possédé en 2002-2003. C’est sympa de pouvoir avoir des infos sur le passé de l’auto.
Quels travaux ont été nécessaires pour remettre l’auto sur la route ? J’avais un budget limité. C’est un ami de la famille qui a travaillé sur la 912 à temps perdu. Deux ans ont été nécessaires pour que je puisse la ramener en France. La base n’était pas glorieuse. Les travaux de carrosserie étaient assez importants. L’auto était tout de même roulante. Je me suis baladé un été entier avec sur les petites routes de Crête avant l’intervention. Comme de nombreuses 912, elle avait été maquillée en 2,4L, avec un dé-chromage en règle et une grille de capot peinte en noir mat. Le carrossier a dû retravailler toute la partie avant du châssis (nez support de batterie etc…), changer les triangles de suspension avant et refaire les points d’accroche des tirants de bras arrières. Il est également intervenu sur les ailes arrières qui avaient quelques points de corrosion. Il a, au passage, supprimé les traces d’une restauration « à l’américaine » avec bronze, fibre de verre et autres joyeusetés de ce genre. Les planchers étaient sains car refaits par l’ancien propriétaire. Il fallait aussi refaire l’intérieur des ailes et la peinture n’était plus très fraiche. Après mûre réflexion et avis des membres du 912Club, j’ai décidé de la remettre dans sa teinte d’origine. Il a fallu régler le moteur, refaire les freins, trouver les pièces manquantes en neuf ou en occasion et remplacer de nombreux joints. Cela a pris beaucoup de temps. J’ai fait des erreurs de débutant dans l’achat de certaines pièces par méconnaissance. J’ai également opté pour un remplacement des phares par des H4 et quelques chromes.
Crête/Paris via Venise en Porsche 912 ? J’avais dans l’idée de faire ce voyage depuis le début, comme un parcours initiatique avec la 912. Bien entendu ce fut épique !
Dimanche 8 juin 2011, Agios Nikolaos en Crète : Je suis arrivé en Crête avec quelques jours de marge, histoire de pouvoir gérer un éventuel contretemps dans la préparation de la voiture. Quand j’arrive au garage pour la récupérer, elle est encore sur cale. Des pièces ne sont pas remontées, il manque des vitrages, bref le travail n’est pas terminé. J’ai un billet de ferry réservé à Heraklion dans trois jours. Il va falloir s’activer ! On a travaillé d’arrache-pied pendant les trois jours disponibles pour finir le remontage. Dans la panique le pare-brise, posé dans un coin de l’atelier, tombe par terre et se brise … 3 heures avant le départ. Misère ! Il faut que j’en trouve un en urgence avant de faire 2000 km, et on est loin de Paris et de ses revendeurs de pièces ! Heureusement, j’ai quelques contacts que j’active au téléphone et, miracle, ils me dégottent la perle rare dans un garage a Athènes en Grèce. On repose le verre cassé tant bien que mal et je m’élance. En chemin, je crève un pneu. Je me rends alors compte que mes 4 pneus sont secs, après deux ans de restauration et trop vieux pour faire une telle route. Dépannage. J’ai déjà mangé toute la marge de temps que je m’étais allouée pour le bateau. Je fonce et attrape le bateau sur le fil dans la soirée !
Jeudi 12 juin 2011, port du Pirée, Athènes, Grèce : Arrivé au petit matin après une courte nuit sur le bateau. La journée est chargée. Au programme changement du pare-brise, des quatre pneus et faire les formalités de dédouanement et la plaque export (avec des fonctionnaires Grecs lesquels m’obligent à gratter le Blaxon fraîchement posé pour contrôler le numéro de châssis). Après une journée de folie dans la ville la plus embouteillée d’Europe je décolle en fin d’après midi sur les chapeaux de roues pour rejoindre le Ferry à Patras avant minuit.
Samedi 14 Juin 2011, Venise, Italie : A la sortie du bateau à Venise, la voiture refuse de démarrer. Je suis maudit ! Il faut la pousser hors de la cale. La batterie est H.S. De là, je récupère un ami venu faire la suite du roadtrip a l’aéroport de Venise et nous partons pour Turin et le Val d’Aoste. Plutôt que l’ennuyeuse autoroute de la vallée, nous prenons l’option de passer les Alpes par le col du Grand Saint Bernard, sous une pluie battante avec un moteur d’essuie glace qui rend l’âme… Je fait la route en faisant les pleins d’essence moteur tournant et en poussant la voiture quand nécessaire. Arrivé à la frontière Suisse je n’en mène pas large. Les douaniers à grosses moustaches voient deux types visiblement épuisé et stressé avec une Porsche jaune en provenance de Grèce, présentant une plaque export, remplie de caisses de pièces détachées rouillées et qu’il faut pousser pour démarrer ! L’inspection des douaniers sera poussée. Septiques ils finissent par me laisser passer. Je fais une pause à la nuit tombée à Bourg-en-Bresse après une balade d’anthologie sur les bords du lac Léman en fin d’après midi.
Dimanche 15 juin 2011 : Départ le matin de Bourg-en-Bresse je met le cap sur Dijon puis Saulieu pour une belle pause déjeuner. L’après-midi j’effectue le reste de la route vers Paris via la N6 bouclant ainsi un périple de près de deux mille kilomètres. Que de souvenirs ! A part les quelques mésaventures, la voiture s’est très bien comportée. Un véritable roadtrip ! Des images et des souvenirs plein la tête.
Comment est utilisée la voiture depuis son arrivée en région parisienne ? La 912 est une voiture de loisirs uniquement. Je me balade dans la région. Je roule. C’est un moyen de décompression. Mais je manque de temps. J’aimerais rouler plus. Pour aller au travail, j’utilise un scooter.
Qu’est-ce qui fait vibrer ta corde sensible avec la 912 ? Ce que j’aime le plus, c’est rouler à son volant et voir ses 2 ailes avant qui plongent vers la route. J’aime aussi ses odeurs d’essence, les montées en régime et les décélérations ponctuées par les petits « pot, pot » des carburateurs.
Quels sont tes souvenirs automobile d’enfance ? Il y a eu la regrettée Citroën DS de mes parents. Toute la famille s’en souvient avec émotion. Une Autobianchi A112 qui nous a conduit au bout du monde. J’adorais cette voiture ! Ils ont eu une Cox aussi, il y a bien longtemps.
Quels autres véhicules as-tu ou as-tu possédé ? En bon francilien, je n’ai pas eu de voiture pendant très longtemps. C’était un déchirement, car j’adore conduire. Ma première voiture (que j’ai toujours aujourd’hui) est une Golf IV. Un véhicule efficace et bien pratique pour promener ma petite famille.
Quel est la réaction de l’entourage familial ou professionnel face à cette passion ? Ma femme est formidable. Elle écoute mes élucubrations sur ma 912 avec beaucoup de patience. Mon père dit que je suis fou, mais en vérité il est ravi que je me sois lancé dans ce projet. Pour le reste je suis quelqu’un de plutôt discret et au travail peu de gens savent que j’ai une Porsche. Je crois que j’ai encore un peu de mal à l’assumer. C’est un plaisir plutôt solitaire. Un jardin secret.
Es-tu prêt à t’en séparer ? Non, jamais ! Enfin ce n’est pas à l’ordre du jour. Il faudrait que je sois dans une grande détresse pour m’en séparer. J’ai eu trois propositions sérieuses de rachat durant mon trip.
As-tu d’autres projets en cours ? Pour l’instant je reste concentré sur cette 912, car il y a encore beaucoup à faire. Mais c’est drôle car j’ai le sentiment d’avoir une connexion avec l’année 67. J’ai une vieille montre que j’adore. Je l’ai faite réviser et il se trouve que le mouvement est de la même année. J’ai aussi une moto Honda SS50 de 1967 qui attend sagement dans une grange. J’espère avoir le temps de m’en occuper un jour.
Merci à Emmanuel d’avoir eu la patience de m’attendre pour nous livrer son épopée.
© Entretien 912 #3 avec Emmanuel par Antoine Gaslais pour le 912Club.
Janvier 2015. © photos Antoine Gaslais / Emmanuel
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Durant notre road trip de Normandie en juin 2018, ce ne fut pas un bon karma pour Emmanuel, à peine à 50 kilomètres de notre destination d’arrivée, le moteur rendu l’âme.
la 912 fut hébergée chez notre hôte Alex le temps de faire le point sur les dégâts.
Pendant ce temps, le moteur subissait sa réfection, mais la voiture aussi!
Fiabilisation, remplacement des éléments de sécurité, nettoyage, polissage, remplacement de la sellerie, la liste est longue!
Ce n’est pas sans une certaine émotion qu’Emmanuel retrouva sa voiture métamorphosée, tant sur le point de vue esthétique que dynamique!
C’est pour cela, qu’en ce week end de juillet 2019, une expédition fut lancée pour faire reprendre la route a la 912, baptisée depuis la « GRECO »!
Un weekend end ponctué de road trip, d’Echange et de bon temps entre membres qui ont pu se déplacer à la dernière minute.
La « Greco » est retournée dans son garage, pour la joie de son propriétaire, attendant impatiemment les prochaines sorties …
© Update juillet 2019, photos par jeff, Manos, Alex, renaud , Julien.
Si vous voulez vous aussi partager votre passion, contactez Antoine à l’adresse suivante : antoine@912club.fr